Hépatite C




Thematique:
Hépatite C26e Journées francophones de pathologie digestive 23-27 mars, Nantes

Hépatite virale C:

les conclusions de la dernière conférence de consensus

Après la première conférence de consensus sur l'hépatite C qui s'est tenue en France en 1997 et une deuxième conférence européenne en 1999, les évolutions thérapeutiques ont conduit à réviser les modalités de la prise en charge. Une troisième conférence vient de se dérouler à Paris. Les conclusions du jury, présidé par le Pr Eric Lerebours, viennent d'être dévoilées à la presse. Elles devraient permettre d'améliorer la prise en charge des malades et l'accès aux soins qui sont deux éléments essentiels du nouveau plan gouvernemental de lutte contre l'infection VHC mis en place en février 2002. Cet article n'a pas la prétention de donner l'exhaustivité des conclusions de la conférence mais souligne quelques points importants.

Le traitement de l'hépatite C s'adresse aux porteurs chroniques du VHC (présence d'ARN viral) avec pour objectifs principaux, l'éradication virale et la stabilisation ou la régression des lésions hépatiques. Les progrès thérapeutiques réalisés au cours des dernières années ont permis d'améliorer l'efficacité des traitements. La réponse virologique est passée de 10% avec l'interféron standard en monothérapie à plus de 50% avec la bithérapie interféron pégylé et ribavirine ; l'efficacité est même de 80% pour les génotypes 2 et 3.

Deux situations opposées illustrent les difficultés rencontrées aujourd'hui dans la prise en charge des malades :

- dans les formes minimes la question posée est l'utilité d'un traitement ayant pour seul objectif l'éradication de l'infection indépendamment de son effet sur le foie ;

- dans les situations plus graves avec fibrose extensive, voire cirrhose, en cas de résistance virologique au traitement, se discute au contraire un traitement â« d'entretien â» visant à limiter la progression de la fibrose et le risque de survenue de carcinome hépatocellulaire.

A qui s'adresse le traitement antiviral ?

La décision de traiter doit tenir compte du sexe masculin, de l'âge élevé au moment de la contamination, d'une intoxication alcoolique et de la coïnfection VHC-VIH, facteurs associés à une progression rapide de la fibrose. Pour le jury de la conférence de consensus, le traitement s'adresse aux porteurs chroniques du VHC (présence de l'ARN viral) avec deux objectifs principaux, le premier est l'éradication du virus, le second est de prévenir, de stabiliser, voire de faire régresser les lésions hépatiques. Les indications thérapeutiques se déclinent en fonction de la sévérité de l'hépatite qui est définie principalement par le degré de fibrose à la PBH. Le patient jamais traité atteint d'une hépatite modérée à sévère, c'est-à-dire présentant une hépatite au stade F2 ou F3 de fibrose (score METAVIR)), est une indication au traitement. Chez le patient atteint de cirrhose (score METAVIR F4), le traitement vise non seulement à obtenir une réponse virale prolongée mais aussi à stabiliser la maladie et à éviter l'évolution vers l'hépatocarcinome. En l'absence d'une réponse virologique, un traitement d'entretien par l'interféron peut être proposé pour ralentir la progression de la fibrose chez les patients ayant une réponse biochimique (normalisation des transaminases). Cette indication qui se situe en dehors de l'AMM n'est pas encore validée et le jury recommande que ces malades soient traités dans la mesure du possible dans le cadre d'essais thérapeutiques. En revanche, le traitement antiviral est contre-indiqué en cas de cirrhose décompensée.

Traiter en tenant compte des facteurs de comorbidité

En cas d'hépatite minime (score METAVIR F0 ou F1) ou hépatite à transaminases normales, et en l'absence de facteurs aggravants (obésité, alcool, coïnfection VIH, etc.), le bénéfice du traitement n'est pas établi et une simple surveillance sans traitement est recommandée. Néanmoins, en cas d'infection VHC de génotype 2 ou 3 présageant une bonne réponse au traitement, ou de manifestations extra-hépatiques, la mise en place d'un traitement peut se discuter. La prise en charge est à moduler suivant les facteurs individuels. L'alcool étant associé à une augmentation de la réplication virale et à l'aggravation des lésions histologiques, il est recommandé d'obtenir une abstinence d'alcool pendant au moins six mois avant de débuter le traitement ; les indications thérapeutiques doivent être larges chez les usagers de drogues, du fait de la plus grande fréquence des facteurs de réponse favorable (génotypes 2 et 3 majoritaires). Pour ces deux groupes de patients, une prise en charge globale, pluridisciplinaire doit être mise en place. L'indication du traitement chez des patients présentant des troubles psychiatriques reste exceptionnelle et ne doit être proposée qu'en cas d'une hépatopathie sévère après stabilisation des troubles psychiatriques. La coïnfection VHC et VIH pose le problème de la priorité entre le traitement de l'infection VIH et celui de l'infection VHC, celle-ci sera définie en fonction du statut immunitaire du patient. Mais il faut aussi prendre en compte la possibilité d'interactions médicamenteuses notamment entre la ribavirine et les analogues nucléosidiques avec risque de survenue de cytopathies mitochondriales induisant une acidose lactique parfois fatale.image

Le génotypage, un marqueur prédictif de la réponse thérapeutique

Les examens avant traitement permettent de lister les éléments en faveur et en défaveur de la prise en charge thérapeutique. La détermination du génotype viral est indispensable car il conditionne la stratégie thérapeutique elle-même (le génotype 1 est prédictif d'une mauvaise réponse thérapeutique contrairement aux génotypes 2 et 3). La ponction biopsie hépatique (PBH), jusqu'à présent indispensable selon l'AMM, est nécessaire dans la majorité des cas ; elle permet d'apprécier le degré de fibrose, élément essentiel du pronostic. Cependant, dans certaines situations, la PBH peut ne pas être proposée ; par exemple :

- si l'indication du traitement est indépendante des lésions d'hépatopathie mais vise à arrêter la réplication virale, c'est le cas d'une infection par un VHC génotype 2 et 3 en l'absence de comorbidité, de la femme ayant un projet de grossesse afin de diminuer le risque de transmission mère-enfant même si il est faible ;

- lorsque le patient présente des signes biologiques, cliniques, échographiques évidents de cirrhose. La PBH n'est pas réalisée en cas de cirrhose décompensée et si les transaminases sont normales sans facteurs de comorbidité car il n'y a pas de proposition de traitement à court terme. Des tests biologiques non invasifs d'évaluation de la fibrose pourraient constituer une alternative à la PBH mais,pour l'instant, ils ne sont pas validés.

Les schémas thérapeutiques proposés

Le traitement antiviral de référence pour le jury est l'association interféron pégylé et ribavirine. Deux schémas sont recommandés, mais à ce jour, seul l'interféron alpha-2b est disponible : 1) peg IFN alpha-2b (1,5μg/kg/semaine) + ribavirine 800 mg/j en dessous de 65 kg, 1 000 mg entre 65 et 85 kg et 1 200 mg au-delà. 2) pegIFN alpha-2a (180μg/semaine) + ribavirine dont la posologie est adaptée en fonction du poids. La durée du traitement est fonction du génotype : 48 semaines pour les génotypes 1 en cas de réduction de plus de 2 log de la charge virale initiale à la douzième semaine, en cas de non-réponse, le traitement peut-être arrêté, la probabilité d'obtenir une réponse virologique prolongée étant très faible ; 24 semaines pour les génotypes 2 et 3 plus sensibles au traitement dans l'attente des résultats des études en cours ; pour le génotype 4, 5 et 6, un traitement de 48 semaines doit être évalué sur un mode bénéfice/risque. La bithérapie pegIFN + ribavirine est indiquée pour les patients n'ayant jamais été traités, les patients coïnfectés VHC et VIH, les patients rechuteurs après monothérapie par interféron seul. Des études sont en cours afin d'évaluer la dose et la durée optimales de l'interféron pégylé et de la ribavirine. Par ailleurs, d'autres associations sont à l'étude.

Le suivi : prendre en charge le malade dans sa globalité

La surveillance des malades traités a deux objectifs : assurer des consultations spécialisées régulières mais aussi un accompagnement de proximité avec des consultations au moins mensuelles par le médecin généraliste. L'évaluation de l'efficacité du traitement repose sur les critères biochimiques (transaminases) et surtout virologiques. L'absence d'ARN viral détectable six mois après l'arrêt du traitement caractérise la réponse virologique prolongée qui correspond dans la très grande majorité des cas à une guérison définitive. La tolérance au traitement sera bien entendu appréciée compte tenu des effets secondaires des antiviraux. La prévalence des malades infectés par le VHC en France est estimée à 1,1% avec des différences considérables en fonction des populations étudiées : 60% chez les sujets infectés par le VIH. On estime en France, même si elle n'est pas connue avec précision, que l'incidence annuelle des nouvelles contaminations serait de l'ordre de 5000 nouveaux patients par an.

Une modification des modes de contamination

Les actions de dépistage ont permis une augmentation significative de sujets dépistés, un pourcentage important de ces nouveaux malades présentent des hépatites chroniques minimes. Néanmoins, le nombre absolu de formes sévères actuellement prises en charge augmente : du fait de la forte proportion de malades ayant une contamination ancienne.Parallèlement, on observe une modiufication des modes de contamination avec une diminution progressive des cas associés à la transfusion et une augmentation des cas liés à la toxicomanie IV. Cela a une conséquence directe : l'augmentation de la prévalence du génotype 3 associé à une meilleure réponse au traitement. Le jury a clairement souligné l'importance de prendre en compte la qualité de vie des patients, le retentissement du traitement sur la vie familiale, sociale. La prise en charge du malade VHC doit se faire dans une démarche de réseaux où médecins généralistes, psychologues, gastro-entérologues et associations de malades travaillent ensemble. Le jury insiste sur la qualité de vie du patient, dimension importante à évaluer dans les différents essais thérapeutiques en cours et à venir. Le jury a indiqué qu'une partie des recommandations formulées sortent du cadre strict de l'AMM actuelle. Elles devront être revues en fonction des résultats des essais en cours.

Dr Sylvie LE GAC

D'après un entretien avec le Pr Eric Lerebours (Rouen).

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